Elle sont nées officiellement le 1er avril 2010, mais cela n'a rien d'une plaisanterie. Créées par la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) du 21 juillet 2009, les agences régionales de santé (ARS) sont au contraire le signe tangible de la réforme la plus importante du secteur sanitaire et médicosocial depuis la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médicosociales. Relativement discrètes dans cette période de mise en place, elles n'en occupent pas moins une place chaque jour un peu plus importante dans l'ensemble du secteur. Il suffit de voir les réactions des organismes ou représentants des acteurs professionnels qui n'ont pas été retenus dans les - nombreuses - instances officielles et groupes de travail gravitant autour des ARS pour comprendre le poids croissant de ces dernières.
Côté scène et côté coulisses
Pourtant, la mise en place des ARS ne se fait pas sans douleur. Côté scène, on relèvera qu'il s'agit d'une réorganisation administrative de grande ampleur, qui se déroule finalement sans anicroche majeure, alors que le périmètre et le personnel des ARS n'ont pas grand-chose à voir avec ceux des défuntes agences régionales de l'hospitalisation. Côté coulisses, les choses sont moins simples : délais de constitution des équipes (au-delà de l'encadrement supérieur), problèmes immobiliers, difficultés à créer une culture commune à partir de personnels d'origines très diverses (fonctionnaires de l'Etat, agents de la Sécurité sociale relevant du droit privé, contractuels) et dont beaucoup se retrouvent dans les ARS "contre leur gré" (notamment les anciens personnels des ex-caisses régionales d'assurance maladie), souci d'équilibre entre les différentes origines professionnelles qui conduit parfois à ne pas mettre la bonne personne à la bonne place, retards dans le traitement des dossiers et les prises de décisions...
Pourtant, ces difficultés - voire ces quelques ratés - n'ont pas empêché les ARS de commencer à occuper progressivement le champ très vaste qui leur est assigné par la loi HPST et ses textes d'application. Le signe le plus visible - en particulier pour les départements - en est bien sûr le glissement de l'autorité de tutelle et de tarification du préfet de département vers le directeur général de l'ARS. C'est désormais avec ce dernier que le président de conseil général signera les arrêtés de tarification et les conventions tripartites. Une évolution qui n'a pas manqué de faire grincer quelques dents du côté de la préfectorale.
Priorité au plan régional de santé
Au-delà des dossiers quotidiens, les ARS sont aujourd'hui très largement focalisées sur l'élaboration de leur projet régional de santé (PRS), qui devrait donner lieu à une phase de concertation durant le premier semestre 2011. Celui-ci regroupe en fait trois documents distincts, mais étroitement complémentaires et dont l'élaboration - associant les collectivités territoriales - doit être menée en parallèle. Le premier est le plan stratégique régional de santé (PSRS), qui regroupe une évaluation des besoins de santé et de leur évolution, une analyse de l'offre et de son évolution prévisible dans les domaines de la prévention, du soin et de la prise en charge de la perte d'autonomie, un certain nombre d'objectifs sur différents thèmes (prévention, réduction des inégalités sociales et territoriales, qualité, efficience, droits des usagers...), des mesures de coordination avec les autres politiques de santé et l'organisation du suivi et de l'évaluation de la mise en oeuvre du projet régional de santé. Le PSRS prend notamment en compte les travaux des conférences de territoire.
Pour sa part, le schéma régional de prévention met en oeuvre le plan stratégique régional à travers des actions concourant à la prévention et à la promotion de la santé, et à l'organisation des activités de veille, d'alerte et de gestion des urgences sanitaires. Il fixe également des orientations sur l'amélioration de l'offre de services dans le domaine de la prévention individuelle et collective, les modalités du développement des métiers et des formations nécessaires à l'amélioration de la qualité des actions de prévention et, enfin, les modalités de coopération des acteurs de l'offre sanitaire, sociale et médicosociale en matière de prévention.
De son côté, le schéma régional et interrégional d'organisation des soins comporte une partie opposable - relative aux établissements et aux activités de soins et aux équipements matériels lourds - et une partie relative à l'offre sanitaire des professionnels de santé libéraux, des maisons de santé, des centres de santé, des pôles de santé, des laboratoires de biologie médicale et des réseaux de santé.
Chacun cherche sa place
Si 2011 - première année de plein exercice des ARS - semble ainsi placée avant tout sous le signe du sanitaire, le PRS abordera néanmoins des questions intéressant de très près les collectivités. C'est le cas bien sûr avec la prise en charge de la perte d'autonomie, autrement dit celle des personnes âgées et des personnes handicapées. C'est également le cas avec tous les aspects relatifs au rééquilibrage territorial de l'offre de soins et à la lutte contre les déserts médicaux, mais aussi avec le sort que les ARS réserveront aux petits hôpitaux locaux, notamment dans le cadre des communautés hospitalières de territoire (CHT). Enfin, le schéma régional de prévention - dont les services de protection maternelle et infantile des départements seront parties intégrantes - sera l'occasion de tester les modalités de coopération entre les différents acteurs de l'offre sanitaire, sociale et médicosociale.
Face à la rapide montée en puissance des ARS - qui devrait s'accélérer au fur et à mesure qu'elles résoudront leurs problèmes d'organisation et de fonctionnement -, les collectivités devront rapidement trouver leur place. Ceci est d'autant plus indispensable que la loi HPST et ses textes d'application sont assez flous sur ce point, autonomie des collectivités territoriales oblige. Tout se jouera donc sur le terrain, en fonction de la façon dont chacun parviendra à trouver ses marques. Pour les régions, tout l'enjeu sera de réussir à devenir le pendant territorial de l'ARS. Leur présence dans les différentes instances ne vaut en effet pas garantie automatique d'y peser. Or, à ce jour, les régions ne disposent pas de véritables compétences - dans les deux sens du terme - en matière sanitaire et sociale. Il faudra donc les développer, sinon les acquérir.
Du côté des départements, l'enjeu est différent. Les compétences existent en matière sociale et médicosociale, au point de grever les budgets départementaux d'un poids de plus en plus lourd. Le défi est de trouver une position claire et pertinente entre un "indépendantisme" voué à l'échec - "personne ne touchera à mes schémas" - et un effacement devant l'ARS et une approche "macroéconomique" de l'offre médicosociale. Tout se jouera bien sûr autour de l'articulation entre les schémas départementaux (essentiellement ceux des personnes âgées et des personnes handicapées) et les orientations et schémas régionaux pilotés par l'ARS. Pour les régions et les départements qui n'ont pas encore arrêté une position sur ces sujets, la trêve de Noël peut être une bonne occasion d'y réfléchir...
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