"On ne peut pas considérer les inégalités territoriales exclusivement sous l'angle du revenu", a déclaré l'économiste Eloi Laurent, mardi 12 mars, devant la commission du développement durable du Sénat. L'auteur du rapport sur l'égalité des territoires remis à Cécile Duflot le 22 février estime que les inégalités territoriales sont "plurielles" et qu'elles ne se résument pas au PIB : au-delà du revenu, la santé, l'éducation et les questions environnementales doivent être prises en compte comme facteurs de développement humain. Des facteurs qui, selon le chercheur, ont l'avantage d'être "dynamiques" et permettent de se projeter à vingt ans…
Son rapport volumineux jette les bases de ce que pourrait être la future politique d'égalité des territoires censée dépoussiérer l'aménagement du territoire issu des Trente Glorieuses (voir ci-contre notre article du 25 février 2013). Pour marquer ce virage, la Datar sera transformée en un plus vaste commissariat général à l'égalité territoriale (cet aspect institutionnel a été abordé dans un autre rapport, celui de Thierry Whal remis le 7 février). Quant au contenu de cette politique nouvelle, elle ne se dessinera pas avant l'été. La ministre de l'Egalité des territoires a engagé une concertation jusqu'au Ciadt (comité interministériel à l'aménagement et au développement du territoire) du mois de juin, devant déboucher sur un projet de loi à l'automne.
L'idée qui sous-tend le rapport d'Eloi Laurent élaboré par 38 chercheurs avec des regards d'élus est la "théorie des capacités" de l'économiste indien Amartya Sen. C'est-à-dire que les stratégies de développement territorial ne doivent plus se cantonner à l'attractivité ou à la compétitivité mais prendre en compte les "capacités des personnes" : l'accès aux services (transports, santé, éducation…) mais aussi à la qualité de vie et au bien-être. Ce qui n'est pas sans rappeler les nouveaux indicateurs de développement durable présentés par l'Association des régions de France l'an dernier pour lutter contre "la tyrannie du PIB"...
En finir avec les zonages
Eloi Laurent a annoncé que plusieurs axes du futur projet de loi se profilaient. Tout d'abord, la transition sociale et écologique. Les inégalités territoriales seraient abordées sous l'angle de la "justice environnementale". A cet effet, le rapport propose la création d'un centre d'analyse et de prévention des inégalités environnementales. L'auteur du rapport a insisté auprès des sénateurs sur l'enjeu de l'eau.
Le deuxième grand chantier sera la dimension verticale de l'égalité des territoires : autrement dit, la remise à plat des zonages et de la péréquation. Le rapport, par la voix du géographe Daniel Béhar, propose "d'en finir avec le zonage". Il faudrait, selon lui, "substituer à la géographie prioritaire en vigueur une géographie stratégique différenciée"… C'est aussi la vision de Cécile Duflot, pour qui les "zonages sont de plus en plus contestables". "C'est autour d'une stratégie de revitalisation productive des territoires et non dans une logique condescendante ou d'assistance, qu'il nous faut penser qualité de vie, habitat adapté, énergies nouvelles, maintien des écoles, mutation des services publics, équipement numérique, mobilités et transports collectifs", a-t-elle expliqué lors de la remise du rapport à Vesoul.
La question du zonage appelle un troisième axe : celui de la coopération entre les espaces ruraux et urbains, qui pourrait passer par un nouveau "pacte de gouvernance partagée". Là encore, la ministre a précisé ses intentions lors de son déplacement en Haute-Saône. Au delà des contrats de projets Etat-région, documents stratégiques, s'ajouteraient des contrats territoriaux "adaptés aux projets des élus et conformes aux enjeux locaux".
Pris à partie par plusieurs sénateurs qui lui reprochaient d'avoir totalement éludé la question de l'aménagement numérique, Eloi Laurent a répliqué que de nombreuses missions travaillaient en ce moment sur ce thème, notamment la mission confiée à Claudy Lebreton, le président de l'Assemblée des départements de France, sur "les bouleversements provoqués par les services numériques et leurs conséquences pour l'égalité des territoires". Il a toutefois reconnu que le numérique devait être considéré comme un "outil correctif majeur des inégalités territoriales".
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