Lhabitat partag au service des familles monoparentales (33)

En France, une famille sur cinq est une famille monoparentale. Dans 82% des cas, ces foyers sont composs de femmes seules avec enfants. Si cette statistique recouvre des ralits varies, nombre de ces familles font face des difficults sociales marques, notamment en termes daccs au logement. Prs de 35% dentre elles vivent sous le

En France, une famille sur cinq est une famille monoparentale. Dans 82 % des cas, ces foyers sont composés de femmes seules avec enfants. Si cette statistique recouvre des réalités variées, nombre de ces familles font face à des difficultés sociales marquées, notamment en termes d’accès au logement. Près de 35 % d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté et quelque 21 % connaissent des difficultés d’accès au logement, tout particulièrement dans les zones urbaines tendues. Elles représentent 39 % des habitants vivant en logement social. Rappelés par Jérôme Mendiela, président et cofondateur de l’association Fraveillance, ces chiffres renvoient à une réalité implacable. Et souvent occultée – « peut-être parce que c’est un sujet qui touche à l’intime », souligne-t-il.

« Or sans logement, point d’ancrage. Isolement, difficultés d’accès à l’emploi, aux guichets sociaux, à l’école même, pour les enfants », ajoute-t-il. Forte de ce constat, l’association, créée en 2015 est partie sur l’idée d’un habitat partagé, de « Maisons des monoparents », afin de faire baisser le coût du loyer. « Et parce que la cohabitation nous semblait un moyen pertinent pour développer, aussi, l’entraide de proximité – et ainsi lutter contre l’isolement social. »

Trouver des logements, réunir les familles intéressées, accompagner la cohabitation proprement dite…  Depuis sa création, l’association multiplie les expérimentations (lire l’encadré), dans un  cadre toujours multi-partenarial. Départements, communes, bailleurs sociaux ou privés, caisses d’allocations familiales (CAF), secteur de l’hébergement d’urgence, associations… Chaque projet est unique mais aucun ne se construit seul.

« Oser sortir des cases »

En Gironde, l’expérimentation a ainsi pris des contours spécifiques. Suite à une rencontre avec le conseil départemental, elle s’est inscrite dans le cadre du plan « Logement d’abord » - co-porté localement par le département et Bordeaux Métropole.

« Le travail mené avec Fraveillance est né d’une rencontre avec Jérôme Mendiela, venu nous présenter son projet fin 2018. Une rencontre synonyme de coup de foudre d’idée », sourit Marie-Christine Darmian, directrice à la Direction de l’habitat et de l’urbanisme au conseil départemental. « Initiative citoyenne innovante, le concept de maisons monoparentales porté par Fraveillance est en effet synonyme de démarche d’anticipation sociale, de réflexion partenariale… qui fait écho aux politiques de l’habitat de la Gironde, et notamment à notre démarche Fabriqu’cœurs d’habitat, lancé en 2015. Objectif de celle-ci : innover, expérimenter et évaluer, afin d’adapter nos politiques aux spécificités territoriales et contribuer à l’émergence locale du pouvoir d’agir », explique-t-elle.

« Trois jours après cette rencontre, avec les élus, on s’est dit banco, il faut qu’on teste. Et Fraveillance a pris le risque de tester son idée dans le cadre du plan Logement d’abord. On a réuni sur ce projet différents partenaires –le bailleur social Aquitanis, la CAF, la fondation Abbé Pierre, les Compagnons bâtisseurs, le Fonds Solidarité Logement de la Gironde. Un travail d’intelligence collective qui a permis que tout se fasse très vite. »

Un pavillon inoccupé de 140 m2, situé à Floirac en banlieue de Bordeaux, a été mis à disposition par le bailleur social Aquitanis, qui a débloqué 50.000 euros pour les travaux de réhabilitation et d’aménagement, réalisés par les Compagnons bâtisseurs. Lauréat d’un appel d’offres logement innovant lancé par Bordeaux mécènes solidaires, Fraveillance a disposé d’une enveloppe de 210.000 euros sur deux ans mobilisables sur le projet. Et des dons – du réseau Envie, du Secours populaire – ont permis d’équiper le logement.

Ateliers pour rompre l’isolement et apprivoiser la colocation

Orientées par la CAF, le Service intégré de l’accueil et de l’orientation (SIAO) et le secteur de l’hébergement d’urgence, plus d’une dizaine de familles ont participé aux cafés-rencontres proposés par Fraveillance. « Des ateliers se sont tenus dans une salle mise à disposition par la mairie de Floirac, sur la parentalité, le vivre ensemble… Ils ont permis de faire connaissance, et de réfléchir à la notion de cohabitation », explique Jérôme Mendiela. Deux d’entre elles, jusque-là hébergées en Centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), ont dit leur souhait de se lancer. Deux mères seules avec enfants - l’une, étudiante, avec un enfant de deux ans, l’autre, plus âgée, avec deux enfants, dont un souffrant de handicap.

Accompagnées par un médiateur bénévole de l’association, elles ont rédigé une charte du vivre-ensemble. Et la colocation a débuté, en septembre 2019. Un travailleur social de la fondation Abbé Pierre les a accompagnées dans leurs démarches sociales – ouverture de droits, prise en main du logement, etc. Fraveillance les a aidées à apprivoiser la colocation et le partage des charges qu’elle suppose, et les a accompagnées dans leur intégration dans le quartier. Le premier mois passé, le médiateur Fraveillance passait régulièrement – environ une fois par mois – mais n’intervenait plus qu’en cas de difficultés.

Cette cohabitation a duré un an, puis une des deux familles a souhaité partir. « Le confinement associé à la crise lié au Covid-19 a été très dur. Les mères n’ont pas trouvé de travail, les enfants étaient enfermés, et les difficultés propres à chacun sont remontées à la surface », explique Jérôme Mendiela. Qui plus est, ajoute-t-il « la cohabitation doit être un vrai choix et demande du temps pour être bien appréhendée. Or pour les personnes en très grande précarité, accompagnées dans le cadre de Logement d’abord, il n’y a pas réellement de choix. Et le partage d’un logement peut même ajouter une difficulté à leur quotidien. »

Marie-Christine Darmian opine. « Cette première expérimentation a pris fin, pour x raisons, avant tout liées aux difficultés propres aux deux familles accompagnées. Leurs attentes étaient différentes, le confinement a été éprouvant… L’une d’elles a souhaité passer à autre chose… Mais ce n’est pas un échec ! En un sens, cela nous a ramené à un fondamental, que les collectivités publiques ne doivent pas oublier : le fait que le logement, c’est d’abord de l’humain. »

« Désormais, on sait ce qu’il faut faire, et ce qu’il ne faut pas faire. C’est grâce à cette première expérience que l’on sait ce à quoi il nous faudra être vigilant à l’avenir. Car oui, nous comptons bien consolider le partenariat engagé avec Fraveillance. L’idée, c’est de travailler sur un habitat partagé, des colocations entre familles monoparentales moins rudes. Nous allons donc retravailler le modèle, en le réorientant : il ne sera plus orienté vers les populations accompagnées dans le cadre du plan Logement d’abord, mais s’adressera toujours aux publics prioritaires, accompagnés par le département dans le cadre du Plan départemental d’actions pour le logement et l’hébergement des personnes en difficultés. Des familles fragiles donc, toujours. Mais aux profils plus variés, identifiées par les partenaires avec qui nous travaillons en local », explique-t-elle.

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