La Société civile des éditeurs de langue française (Scelf) suspend, pour une durée de cinq ans renouvelable, sa décision prise en 2017 de percevoir les droits de représentation sur les œuvres publiées par ses adhérents, lorsque ces œuvres sont lues par leurs auteurs eux-mêmes, ou lorsqu’elles sont lues dans le cadre de manifestations gratuites des bibliothèques.
"Souhaitant soutenir les bibliothèques dans leur mission de diffusion de la lecture, la Scelf, au nom des éditeurs qui l’ont mandatée, accepte de suspendre la perception relative à ce droit pendant une durée de cinq ans", a-t-elle fait savoir dans un communiqué du 18 janvier. La Scelf était engagée depuis 18 mois dans une concertation avec l’Association des bibliothécaires de France (ABF), sous l’égide du ministère de la Culture, en vue de donner un cadre juridique aux lectures publiques pratiquées en bibliothèques.
Les éditeurs ne renoncent pas pour autant aux principes du droit d'auteur
La Scelf, organisme de gestion collective représentant les éditeurs de langue française et gérant principalement les droits d’adaptation des œuvres littéraires dont ils sont cessionnaires, ne renonce toutefois pas à ses principes. Elle tient à rappeler que la reconnaissance du droit de représentation des œuvres "participe de celle plus générale du droit d’auteur, sur laquelle repose la chaîne du livre et de la création littéraire". D'ailleurs, la "lecture publique" ou "récitation à voix haute" d’une œuvre littéraire, par extraits ou dans son intégralité, "est un acte de représentation prévu par le code de la propriété intellectuelle", insiste-t-elle, et "à ce titre, elle est soumise à la perception de droits d’auteur".
C'est seulement depuis le 1er janvier 2016, que la Scelf a été mandatée pour percevoir ces droits en lieu et place de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD). Dès lors, elle a "décidé d'appliquer à la lettre le barème de la SACD : trente euros minimum, même sans billetterie ! Y compris pour les 'heures du conte', les associations de lecteurs bénévoles, ou les auteurs lisant leurs propres textes…", s'est insurgé un collectif d'auteurs, de lecteurs, de bibliothécaires et de "médiathécaires", nommé "Shéhérazade en colère".
Mobilisation du collectif "Shéhérazade en colère"
La pétition en ligne du collectif "Shéhérazade en colère", demandant la fin du "prélèvements Scelf sur les lectures sans billetterie" a récolté à ce jour 32.200 signatures. Parmi les signataires : l'écrivain Daniel Pennac, parrain de la deuxième édition de la Nuit de la lecture qui s'est déroulé samedi 20 janvier dans toute la France, rassemblant près de 360.000 participants, au cours de 4.100 événements, organisés dans 2.000 lieux : "bibliothèques, librairies mais aussi des centres de documentation dans les collèges et lycées, des bibliothèques universitaires, des hôpitaux et des dizaines d’associations", selon un bilan du ministère de la Culture. C'est dire si les lectures publiques ont le vent en poupe.
Une suspension qui prend la forme d'une licence gratuite d'une durée de 5 ans et renouvelable
Françoise Nyssen s'est naturellement félicitée de la décision de la Scelf. Elle n'avait jamais caché son attachement au principe de gratuité des lectures publiques dans le cadre des bibliothèques, qu'elle considère comme "élément essentiel pour la promotion de la lecture, notamment auprès des enfants".
Elle invite maintenant les acteurs à formaliser leurs accords "dans les jours à venir", en prévenant qu'elle sera attentive au respect de trois principes : la "réaffirmation par l’ensemble des parties prenantes que les lectures publiques s’inscrivent dans le cadre légal du droit d’auteur" ; la "licence gratuite d'une durée de 5 ans et renouvelable accordée aux bibliothèques pour les lectures publiques non payantes qu’elles organisent" ; l'"absence de perception de droit en cas de lecture de ses œuvres par l'auteur lui-même, sauf cas exceptionnels qui restent à délimiter".
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