À l'occasion du conseil des ministres du 13 octobre, Olivier Véran, Élisabeth Borne et Barbara Pompili ont présenté une communication sur l'état d'avancement de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Au même moment, la délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté publie un "rapport d'étape national" et un "rapport d'étape régional" sur le même sujet. Prévue sur la période 2018-2022, la stratégie Pauvreté doit mobiliser une enveloppe totale de 13,15 milliards d'euros. Pour mémoire, la stratégie a déjà fait, il y a moins de six mois, l'objet d'un rapport d'étape, présenté par le comité d'évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté 2018-2022, présidé par Louis Schweitzer et porté par France Stratégie (voir notre article du 6 avril 2021).
"Un cadre d'action renouvelé avec les collectivités"
Le bilan commence par insister sur "les modalités d'action innovante" de la stratégie Pauvreté. Si l'expression vise notamment la co-construction avec les acteurs – qui ne constitue toutefois pas une innovation pour ce type de démarche –, la mise en œuvre d'innovations sociales, le déploiement de l'évaluation des dispositifs (confiée à France Stratégie), mais aussi et surtout "un cadre d'action renouvelé avec les collectivités locales : la contractualisation".
Cette contractualisation a pris principalement la forme des conventions de lutte contre la pauvreté et d'accès à l'emploi. Celles-ci formalisent les engagements conjoints des collectivités et de l'État en matière de prévention et de lutte contre la pauvreté. Le budget dédié représente plus de 730 millions d'euros sur quatre ans (2019-2022), soit 8,5% du budget total de la stratégie pauvreté. Après des débuts assez laborieux (voir notre article du 5 février 2021), ces conventions semblent aujourd'hui avoir trouvé leur place, tout particulièrement avec les départements. En 2021, les conventions signées concernent ainsi 97 départements (dont la collectivité de Corse et quatre collectivités d'outre-mer), 22 métropoles et 5 régions.
Revenus et accès aux besoins essentiels
Le bilan d'étape passe ensuite en revue les différents champs d'intervention de la stratégie. La communication en conseil des ministres évoque ainsi cinq points principaux. Le premier concerne les ressources, avec en particulier la revalorisation de certaines prestations comme l'AAH et l'Aspa (allocation de solidarité aux personnes âgées), la hausse de la prime d'activité et celle du complément de libre choix du mode de garde (+30%), la mise en place du service public des pensions alimentaires, ainsi que des mesures plus ponctuelles comme le chèque énergie. Selon le bilan, "grâce à ces mesures, le taux de pauvreté a diminué de 0,2 point, s'établissant à 14,6%, alors même que le revenu médian a progressé de 2,6%".
Le second point recouvre l'amélioration de l'accès aux besoins essentiels, avec en particulier la mise en place, en novembre 2019, de la complémentaire santé solidaire, qui remplace la CMU et l'aide à l'accès à la complémentaire santé. Le rapport évoque aussi le renforcement des actions en faveur de l'accès aux droits, doublé d'un accroissement de l'offre de domiciliation (pour les personnes très précaires) et de l'automatisation progressive de certaines ouvertures de droits comme l'accès à la complémentaire santé solidaire pour les allocataires du RSA. Autres éléments du bilan en ce domaine : le recrutement de 3.600 conseillers numériques et l'ouverture de 400 points conseils budget supplémentaires (et 100 autres qui doivent être labellisés d'ici la fin de l'année). Enfin, l'accès à l'alimentation a fait l'objet de mesures comme les financements exceptionnels pour l'aide alimentaire durant la crise sanitaire (94 millions) et le quasi-doublement (+48%) des financements européens pour la période 2021-2027.
Égalité des chances et accès à l'emploi
Le troisième point du bilan d'étape concerne "l'investissement pour une plus grande égalité des chances dès le plus jeune âge", ce qui renvoie notamment au chantier des 1.000 premiers jours de l'enfant, qui vient lui-même de faire l'objet d'un bilan (voir notre article du 8 octobre 2021). Sur ce troisième point, le bilan évoque la relance de la création de places en crèches avec le plan "Rebond" de la Cnaf, le développement du "bonus mixité" (avec 84.000 places concernées), le déploiement des petits déjeuners gratuits à l'école (100.000 élèves durant l'année 2020-2021 malgré les perturbations de la crise sanitaire, et près de 300.000 prévus cette année scolaire). Près de 2,5 millions de repas à moins de 1 euro ont ainsi été servis dans les cantines des petites communes rurales. S'ajoute à ces actions la politique de lutte contre les "sorties sèches" de l'aide sociale à l'enfance (ASE).
La "sortie de la pauvreté par l'accès à l'emploi durable" constitue le quatrième point du bilan. Il correspond notamment au plan "1 jeune, 1 solution" (doté de 9 milliards d'euros), qui a bénéficié "à plus de 3 millions de jeunes, étudiants, sans formation ou sans emploi, complété par des actions de repérage des publics invisibles financées dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences (PIC)". Relèvent également de ce volet de la stratégie la mise en œuvre de la nouvelle obligation de formation pour les jeunes sans emploi ou formation à 16 ans ou la priorité donnée à la simplification des parcours d'accompagnement des allocataires du RSA. Le bilan précise que 50% des allocataires du RSA sont désormais orientés vers une offre d'accompagnement en moins d'un mois. S'y ajoutent le soutien apporté au secteur de l'insertion par l'activité économique (qui s'est accru de 22.000 postes au premier semestre 2021) et le déploiement progressif du service public de l'insertion et de l'emploi.
Hébergement et logement
Enfin, le dernier domaine évoqué par le bilan d'étape de la stratégie Pauvreté concerne l'hébergement et le logement. Sur le premier point, la crise sanitaire a conduit à l'ouverture de 40.000 places d'hébergement supplémentaires – portant la capacité totale à 200.000 places – et à l'arrêt de la "gestion au thermomètre", avec la pérennisation des places ainsi créées. Du côté de l'accès au logement, l'essentiel repose sur le dispositif du "Logement d'abord". Le bilan indique que, "du 1er janvier 2018 au 30 juin 2021, 280.000 personnes sans domicile fixe, à la rue ou en centre d'hébergement, ont accédé au logement grâce à ce nouveau modèle d'action". Le budget 2022 prévoit de mobiliser 2,7 milliards d'euros pour financer les politiques d'hébergement et d'accès au logement des personnes sans domicile fixe, soit une hausse de 500 millions par rapport à 2021 (+23%) et de près de 50% depuis le début du quinquennat.
Un tableau récapitulatif, dans le rapport d'étape national établi par la délégation interministérielle, permet de suivre la répartition des crédits de la stratégie Pauvreté par grandes actions et par années. Il apparaît que, sur les 13,15 milliards de crédits de l'enveloppe totale, 1,23 milliard ont été engagés en 2019, 5,11 en 2020 et 3,28 en 2021. Il restera donc 3,52 milliards à engager en 2022. À noter : le rapport d'étape régional établi par la délégation ministérielle présente, de façon assez concise, les grands résultats par régions de métropole et d'outre-mer. Il mentionne notamment, pour chaque région, les principaux enjeux et les priorités retenues, quelques chiffres clés sur les résultats au 31 juillet 2021, ainsi que quelques exemples de projets soutenus en 2021.
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